La marque ? De quoi parle-t-on ?
La marque, faire-savoir du savoir-faire de l’Homme s’est construite par sédimentation. Elle est apparue à la fin du xviiie siècle quand le produit, jusqu’alors vendu en vrac, fut emballé, vendu à l’unité avec le nom du créateur.
La première définition fut juridique (trademark), car l’enjeu était alors de protéger les créateurs des contrefacteurs. La marque est ainsi, selon les juristes et le Code la propriété intellectuelle, un outil juridique, « un signe distinctif… ».
Deuxième couche de la sédimentation : avec la naissance du marketing aux États-Unis, à l’orée du xxe siècle, la marque devient « une différence sur un marché, un repère mental » (brand).
Troisième âge : celui de la finance. Sur fond de création de grands groupes, la marque devient, à partir des années 1970-1980, un actif que l’on achète, que l’on vend. Elle est donc « un actif incorporel, immatériel de l’entreprise, qui génère des revenus pour aujourd’hui et les sécurise dans le futur » (Interbrand).
La marque, empreinte, physique et mentale, de l’Homme
What else ? Immatérialiser n’est pas immortaliser. Oui, ces définitions ont leur pertinence. Pour autant, elles ne décrivent que la partie visible de l’iceberg. Car, ici, l’approche de la marque est centripète – tout et n’importe quoi devient marque au risque de dévaloriser le mot –, alors qu’il lui faut une définition centrifuge, centrée sur l’Homme. Oui, la marque, c’est bien du juridique, du marketing et de la finance, mais c’est bien plus.
C’est l’empreinte – le défi – de l’Homme, la construction, jour après jour, année après année, siècle après siècle, de son savoir-faire, pluriel, qui s’illustre dans du capital matériel et immatériel ; de la recherche-développement (amont) à la conquête des clients (aval).
L’heure ne serait-elle pas à la ré-humanisation de la marque en plaçant l’Homme au cœur de la création ? Un nouveau paradigme humain qui la protègerait d’attaques anticonsuméristes. De la même manière que Karl Marx dénonçait, à travers le fétichisme de la marchandise, l’oubli du travailleur derrière l’objet produit, force est de constater, qu’aujourd’hui, un effacement similaire prévaut, celle du créateur, par l’objet marchand trop souvent envisagé sous le seul angle marketo-consumériste. Aussi, la marque doit se définir par le « faire-savoir du savoir-faire » de l’Homme. « La valeur d’une image se mesure à l’étendue de son auréole imaginaire », annonçait Gaston Bachelard. Peut-on suggérer que la valeur d’une marque se mesure enfin à l’étendue de son auréole humaine ?
La marque devient mythe quand elle contribue à révéler et écrire l’histoire de la société (civile) et celle du monde, quand elle est portée par un visionnaire-missionnaire et une culture puissante. Une grande marque, une marque mythique est celle qui peut répondre, sans crainte, à la question : « Si je disparais, vais-je manquer à mes consommateurs ? » Elle assure que, dans son sillon, elle peut atteindre l’excellence, la cime, – même étymologie –, en évitant le cime… tière.
Pour aller plus loin :
La marque, l’oubliée du marketing, La revue des marques¸ avril 2013
De la réclame au digital, de Figeac à Pékin, on s’interroge toujours sur le déclin des marques, rarement sur les raisons de leur pérennité. Et la définition de la marque, de centripète, doit se recentrer sur l’axe centrifuge, l’Homme.
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La marque, acteur et miroir de son temps, Marketing Magazine, décembre 2012-janvier 2013
1950-2010 : 60 ans de marques qui symbolisent l’histoire de la consommation. Des marques innovantes et rupturistes qui ont infléchi la vie quotidienne des Français et accompagné les mutations économiques et sociales. Inventaire à la Prévert.
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Un précieux héritage, CMag, hiver 2012
Le futur se nourrit du passé. Pour une entreprise, connaître son histoire permet de légitimer son savoir-faire et mettre en évidence sa singularité face à sa concurrence. Jean Watin-Augouard, conseiller en culture de marque, débroussaille le sujet.
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